Conforama : le plan caché pour démanteler l’entreprise

Coup de tonnerre chez Conforama. Une réunion du conseil d’administration s’est tenue dans l’urgence, ce mardi. Les invitations avaient été lancées à 11 heures pour une convocation à midi. À l’ordre du jour : la révocation du directeur général de Conforama, Frank Deshayes qui avait mis en place, en octobre 2018, le plan de « retournement » de la direction de l’époque, censé redresser l’entreprise Conforama France,présenté aux actionnaires créanciers.
« C’est un camouflet pour lui et pour nous. C’était l’un des seuls dirigeants auxquels les salariés faisaient encore un peu confiance. Cela faisait deux ans qu’il se démenait pour faire repartir l’entreprise », réagit sous le choc Mouloud Hammour secrétaire du comité central d’entreprise Force ouvrière. Le signe « qu’un plan plus dur risque d’être mis en place après celui annoncé la semaine dernière », craint également un responsable CGT de l’enseigne d’ameublement.
Mauvais présage pour les syndicats qui sont reçus depuis 18 heures ce mardi au ministère de l’Économie. Et une raison supplémentaire d’être inquiets pour les 8 800 salariés français appelés à se mobiliser ce jeudi, jour de la tenue du comité central d’entreprise (CCE) exceptionnel au cours duquel le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) doit être acté, avec notamment la fermeture de 32 magasins .
«L’e-commerce a quand même bon dos»
1900 emplois supprimés chez Conforama, 1 800 emplois créés en France par Amazon , le géant de l’e-commerce. La concordance des annonces était totale la semaine dernière. Conforama ferait les frais, commel’ensemble de la distribution classique , de l’ogre Amazon. Un spécialiste du secteur de l’ameublement tempère : « Dans cette histoire, l’e-commerce a quand même bon dos. Le marché de l’ameublement ne se porte pas mal, il est en croissance de 9 % en avril et 10 % en mai. L’e-commerce ne peut être la seule raison invoquée. »
En effet, le groupe sud-africain Steinhoff, qui détient l’enseigne, connaît de mauvais résultats en France, via Conforama, avec une baisse du CA de 4 %. Cependant, ailleurs en Europe, les autres filiales du groupe, dont une centaine de magasins Conforama, se portent bien.
En fermant 32 magasins et en licenciant 1 900 personnes en France, les créanciers, qui détiennent la majeure partie du 1,7 milliard d’euros de dettes de Conforama à fin 2018, tenteraient-ils de sacrifier la France pour préserver les filiales européennes qui affichent de bons résultats ? C’est un scénario jugé sérieux par les syndicats.
Un retour de 800 millions d’euros pour les créanciers
Aujourd’hui, les créanciers du groupe (une vingtaine de fonds d’investissement, dont KKR Crédit ou Goldman Sachs) détiennent l’immobilier de Conforama et peuvent espérer en tirer un profit rapide. D’après un document public, émanant du groupe Steinhoff et daté du 15 avril 2019, les créanciers du groupe Conforama sont, en effet, propriétaires de la fiducie (engagement juridique) opérant les actifs immobiliers du groupe depuis un jugement du 11 avril 2019.
Selon une source proche du dossier, « deux leviers sont activables pour maximiser les gains : la vente à la découpe de l’immobilier débarrassé du poids de l’entreprise, de ses salariés et de ses charges, et la vente des filiales européennes de Conforama. Avec cette opération, les créanciers pourraient tabler sur 800 millions d’euros, selon les estimations de Bloomberg, bien plus qu’imaginé dans le cadre d’une reprise industrielle. « Une stratégie fragile dans laquelle je ne vois pas l’intérêt économique », objecte une source gouvernementale, « car si les magasins n’ont plus de valeur, la valeur de l’immobilier baisse ».